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Interview de JP Azéma, Président commission sports vichy

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Interview de JP Azéma, Président commission sports vichy Empty Interview de JP Azéma, Président commission sports vichy

Message  rugby13france-ne1934vilne Ven 2 Mar - 14:40

LE PATRIOTE RESISTANT (ou la Mémoire de la Résistante et des Résistants depuis 1946)
Lu dans la livraison du mois d'avril 2002 :

Le 19 mars dernier était remis à Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, un rapport sur La politique du sport et de l'éducation physique en France pendant l'occupation. Il est le fruit du travail d'une commission d'histoire, mise en place par la ministre en mars 2000 et présidée par Jean-Pierre Azéma. Pour parler de ce rapport qui n'est pas encore publié, mais qui, nous l'espérons, le sera bientôt, nous avons rencontré ce grand spécialiste de la France des années noires, auteur de nombreux ouvrages de référence, et professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris.


i.) La commission d'histoire créée par Marie-George Buffet avait pour mission d'examiner la politique sportive mise en œuvre par le gouvernement de Vichy et son Commissariat général à l'éducation physique et aux sports. L'une des conclusions de votre rapport est que l'occupant n'a pas infléchi de façon notable la politique sportive de " l'État français ".

- JPA: Oui, dès que les Allemands ont été convaincus que le régime de Vichy ne favorisait pas la pratique sportive à des fins militaires, pour former des soldats et préparer la revanche - comme ils l'avaient fait chez eux après la Première Guerre mondiale - ils ont évité d'intervenir brutalement dans la politique sportive comme dans les manifestations sportives. Bien entendu, ils sont restés extrêmement vigilants et leur surveillance ne s'est jamais démentie. Mais, jusqu'en 1943 du moins, avant que la situation ne se tende, on peut dire qu'ils ont fait preuve de mesure dans ce domaine. Ce constat ne nous a guère étonnés sachant que l'occupant a exercé sur l'ensemble de la vie culturelle une sorte de libéralisme surveillé, qui devait faire oublier aux Français les contraintes de l'occupation tout en transformant la France en vitrine pour tous les pays d'Europe sous sa domination. Hitler en particulier, habile tacticien, avait fait le calcul suivant : laissons-les aller au théâtre et au concert, laissons-les réaliser des films et courir dans les stades, ils oublieront qu'ils sont occupés. Il avait vu juste car beaucoup de gens ont de cette manière cherché à échapper à ces temps d'airain. En matière de culture, et le sport en fait partie, cette stratégie a réussi aux nazis, à la différence de ce qui s'est passé avec leur politique des otages et la répression contre la Résistance.

ii.) D'ailleurs il semble que jamais le sport n'ait été autant pratiqué en France qu'en ces années-là ?


- JPA: En effet, et cela vaut pour toutes les activités culturelles. Entre 1940 et 1943, la consommation culturelle a considérablement augmenté. Jamais on n'a produit autant de films, fréquenté autant les cinémas, les théâtres, les bibliothèques municipales - où il faisait plus chaud que chez soi ! - et autant fait de sport, du moins ceux dont les muscles ne fondaient pas en raison de la malnutrition. On peut toutefois donner une autre interprétation à cette frénésie culturelle que son effet anesthésiant : les Français voulaient montrer à l'occupant qu'ils ne se laissaient pas abattre et qu'ils n'étaient pas devenus des zombis. À voir la réaction de certains Allemands, cette interprétation ne me semble pas totalement erronée. Un monsieur comme Goebbels s'irritait fort de cette activité et trouvait que les Français s'amusaient trop. Il aurait préféré que la culture française soit ratiboisée pour mieux exalter la culture allemande.

iii.) En tout cas, la pratique assidue du sport correspondait à l'idéologie de la Révolution nationale qui prônait l'épanouissement physique de la jeunesse, la discipline, l'effort, le dépassement de soi, etc. ?

- JPA: Comme dans tout régime autoritaire le sport fut politiquement instrumentalisé et exploité par la propagande. On organisa de grandes messes maréchalistes, avec prestation du serment de l'athlète. La presse, les actualités cinématographiques transmettaient une image toujours positive du héros sportif ; nous avons étudié ces représentations dans nos recherches. Mais je pense qu'en définitive cela ne trompait pas grand monde. Les gens ne pratiquaient pas le sport pour servir le maréchal mais surtout pour s'évader d'un quotidien oppressant.

iv.) Deux hommes dirigèrent le Commissariat général à l'éducation physique et aux sports : jusqu'en avril 1942 Jean Borotra, le " Basque bondissant ", gloire du tennis national, qui fut arrêté en novembre pour germanophobie et interné en Allemagne avec d'autres personnalités françaises, puis le colonel Joseph Pascot. La politique sportive a-t-elle varié au cours de ces deux périodes ?

- JPA: Il n'y eut pas de coupure déterminante en matière sportive comme ce fut le cas dans d'autres secteurs après le retour de Laval aux affaires en avril 1942. Pendant quatre ans le Commissariat fut doté de moyens financiers importants, jamais auparavant le sport et l'éducation physique n'avaient bénéficié d'un tel soutien. Sur le fond, les deux hommes n'étaient guère différents, Pascot, un militaire, se montra toutefois plus autoritaire et dirigiste que son prédécesseur. La suppression du contrôle parlementaire permit au régime de réglementer à sa guise. L'étatisation du sport contredisait d'ailleurs l'idéal de Pierre de Coubertin, c'est-à-dire le sport amateur, défendu pourtant par Vichy et qui le fit s'attaquer au professionnalisme. Pour cette raison, Jean Borotra interdit le populaire rugby à XIII. Ceci dit, les choses étaient plus complexes dans la réalité. Des bagarres entre les responsables du rugby à XV et du rugby à XIII, les premiers étant plus pétainistes et plus proches de Borotra, contribuèrent à l'interdiction du rugby à XIII. Borotra toléra d'autres sports professionnels comme la pelote basque dont il était féru.
Borotra comme Pascot étaient de fervents maréchalistes mais n'étaient pas collaborationnistes ni particulièrement antisémites ; ils ne participèrent pas au courant xénophobe auquel adhérait la très grande majorité des responsables de Vichy. Ils appliquèrent néanmoins strictement les mesures d'exclusion prévues par les deux " Statuts des juifs " comme les ordonnances allemandes.

v.) Ils n'empêchèrent pas non plus l'arrestation par l'occupant et la déportation de sportifs juifs, parmi lesquels des champions comme le nageur Alfred Nakache et bien d'autres ?

- JPA: Nakache a pu nager jusqu'à ce que la Gestapo vienne le prendre et l'envoie à Auschwitz avec sa femme et leur petite fille qui y ont été exterminées, lui seul ayant survécu. Dans ce cas et comme d'habitude le gouvernement de Vichy a laissé faire, sans protester, même s'il essayait en principe de protéger " ses " juifs de nationalité française, sportifs ou non.

vi) Existe-t-il des exemples de résistance organisée dans les milieux sportifs ?

- JPA: Non, il n'y a pas eu de mouvement organisé pour contrer Vichy et les nazis au nom du sport. Les grandes fédérations ont été plutôt pétainistes, prudentes tout au moins dans leurs choix et n'ont pas su définir de grands projets, elles ont eu de la chance parce que les gens se sont mis à faire du sport. Mais il faut souligner qu'un nombre non négligeable de sportifs ont résisté individuellement, ont été arrêtés, déportés... Par ailleurs, nous avons découvert avec étonnement que la France Libre et la Résistance intérieure s'étaient désintéressées de la politique sportive de Vichy. Nous n'en avons trouvé mention ni dans les émissions " Honneur et Patrie " de Londres ni dans la presse des mouvements de résistance, à l'exception de quelques journaux communistes. L'instrumentalisation du sport tentée par le régime leur avait probablement échappé.
À la Libération, les dirigeants du mouvement sportif ont retrouvé leurs bonnes positions de 1940, l'épuration dans ce secteur a été pratiquement inexistante comme si on avait admis qu'ils n'avaient été que des techniciens, donc apolitiques.

vii.) Les grandes innovations du régime de Vichy en matière sportive ne furent pas remises en cause par la IVème République, il y a là une continuité que la commission a soulignée.

- JPA: C'est sous Vichy en effet que le sport a enfin été doté d'une administration digne de ce nom et que l'éducation physique est devenue une discipline à part entière dans le système scolaire. Ces grands principes ont été maintenus après la Libération, débarrassés de leur contenu idéologique. Mais il faut aussi signaler le fait que le gouvernement de Vichy a emprunté nombre de projets et d'idées au Front Populaire et à Léo Lagrange en particulier, secrétaire d'État aux sports tué au combat en 1940 et auquel Jean Borotra avait rendu hommage : par exemple l'intérêt porté à la jeunesse, la massification et la féminisation des pratiques sportives, qui ont pu être mis en œuvre par Vichy grâce aux moyens dévolus au secteur sportif. Il y a donc eu continuité par rapport au Front populaire et à la France de l'immédiate après-guerre.

Propos recueillis par Irène MICHINE
http://www.fndirp.asso.fr/azema.htm
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