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Le rapport: sport et éducation physique sous vichy

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Le rapport: sport et éducation physique sous vichy Empty Le rapport: sport et éducation physique sous vichy

Message  rugby13france-ne1934vilne Ven 2 Mar - 15:25

« La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation »
Rapport remis à Marie-Gorges Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports
- mars 2002 -



Introduction du Rapport: Jean-Pierre AZEMA

Partons d'un constat banal : les Françaises et les Français, surtout depuis les années soixante-dix, ont voulu comprendre ce qu'avaient été les années Vichy, années sombres pour tout un chacun, particulièrement noires pour les exclus et les réprouvés, et Dieu sait s'ils ont été nombreux. Cette quête rétrospective a fait de ces années un enjeu de mémoire, suscitant des rejeux, comme le disent les géographes des failles. Répondant à cette demande et profitant d'une politique de consultation des archives beaucoup plus libérale, les historiens français et étrangers ont multiplié les recherches et les travaux sur Vichy, aussi bien sur le Vichy vu d'en haut, et ses allées du pouvoir que sur le Vichy vu d'en bas et ses pratiques quotidiennes. Pour l'heure, on peut considérer que la mémoire savante, ceIle donc des historiens, a couvert la majeure partie du champ de recherches qu'on pouvait parcourir sur la France de Vichy.

Les instances qui résistent le plus à nos investigations sont non seulement les entreprises privées qui cultivent, par essence pourrait-on dire, le goût du secret, mais presque tout autant les administrations publiques, y compris les ministères. Le prétexte qui est le plus couramment avancé parmi ces dernières, à savoir que certains de leurs agents sont encore vivants, dissimule en fait une propension à considérer leurs archives dormantes comme secrets d'État. Et pourtant, à lire la thèse de Marc-Olivier Baruch (publiée chez Fayard en 1997 sous le titre : Servir l'État français, L'administration en France de 1940 à 1944), où sont analysées avec rigueur les pratiques de trois ministères, ceux de l'Intérieur, des Finances, de l'Éducation nationale, on se rend compte combien pareilles recherches sont fécondes pour améliorer la compréhension de la France de Vichy.
C'est pourquoi nous sommes reconnaissants à Marie George Buffet d'avoir créé, par un arrêté du 29 mars 2000, une commission d'historiens et de chercheurs pour expertiser le « commissariat général à l'éducation générale et aux sports» et plus généralement le sport sous Vichy. Elle devait remettre un rapport à la ministre de la Jeunesse et des Sports au début de l'année 2002.
Présidée par Jean-Pierre Azéma, professeur des UniversItés à l'Institut d'études politiques de Paris, cette commission comprend :
- Eric Alary, agrégé d'Histoire, docteur ès lettres et chercheur associé au Centre d'histoire de l'Europe au XXe siècle.
- Marianne Amar, docteur de Troisième cycle de l'Institut d'études politiques de Paris.
- Jean-Pierre Bertin-Maghit, professeur des Universités, directeur de l'UFR des Arts à l'Université de Bordeaux Ill.
- Jean-Paul Callède, chargé de Recherche au CNRS (GEMAS-UMR 8598). Maisons des sciences de l'Homme, Paris.
- Française Denoyelle, maître de conférences à l'ENS Louis Lumière de Champs sur-Marne.
- Jean Durry, conservateur en chef et directeur honoraire du Musée national du sport.
- Jean-Louls Gay-Lescot, docteur ès lettres, enseignant à l'Université Victor Ségalen, Bordeaux il.
- Pierre Glolitto, docteur ès lettres, inspecteur général honoraire de l'Education nationale.
- Nicolas Kssis, doctorant en Histoire à Paris XIll.
- Marianne Lassus, agrégée d'Histoire, Ater à l'Université de Pau et de l'Adour.
- Bernard Prêtet, doctorant en Histoire à l'Université de Paris X.

Précisons que, si les unes et les autres endossons collectivement le contenu de ce rapport, chacun des contributeurs demeure le responsable de son texte.
Cela dit, nous avons pris soin de nous en tenir à ce qui nous avait été demandé, à savoir un rapport que nous avons voulu relativement bref, renvoyant dans des annexes à un certain nombre de données un peu plus techniques. C'est délibérément que ce rapport, tout en respectant scrupuleusement les règles de la critique historique et résultant d'un gros travail dans les archives, ne s'apparente pas à une thèse universitaire qui se voudrait exhaustive. Le lecteur peut d'ailleurs se reporter à des travaux antérieurs, auxquels nous avons systématiquement renvoyé, en notes infra-paginales, travaux sur lesquels nous avons pu nous appuyer. Citons tout particulièrement l'ouvrage pionnier, préfacé par Jean-Pierre Rioux, de Jean-Louis Gay-Lescot, Sport et éducation sous Vichy, publié aux Presses Universitaires de Lyon en 1991.
Il va sans dire, mais pourquoi ne pas le souligner, que, du début à la fin, nous n'avons pas subi la moindre pression de notre commanditaire. Ce qui est, si j'en crois mon expérience, une attitude plutôt rare en pareille entreprise. Nous avons, en tout cas, décidé de tout mettre à plat en nous gardant le plus possible de toute idée préconçue sur ce que furent alors la politique et les pratiques sportives. Sans doute était-il difficile d'oublier que Vichy fut le régime le plus autoritaire que la France ait connu au XXe aggravé par une politique d'exclusion et de répression, inhérente à son idéologie. Mais nous savions que des travaux antérieurs, à commencer par l'ouvrage collectif publié, sous la direction de Jean-Pierre Rioux. La vie culturelle sous Vichy (Editions Complexe, Bruxelles, 1990), avaient souligné les ambivalences des pratiques culturelles, au sens large du terme, et on y inclura le sport, notant que la production comme la consommation culturelle connaissaient durant ces années noires une progression notable.

Nous nous sommes évidemment efforcés de prendre en compte toutes les facettes de la politique sportive de Vichy et ses retombées sur les pratiques du sport durant les années quarante. Cela étant, nous n'avons voulu négliger ni l'analyse des médiations fournies par la presse sportive ou les affiches, ni l'exploration des représentations que permettent les documentaires de propagande, ce qui constitue sans doute un des aspects les plus neufs de cette étude. Enfin, après réflexion, nous avons décidé, pour des raisons méthodologiques, de n'accorder au témoignage oral, sans le négliger totalement, qu'une place relativement réduite.
Nous avons voulu répondre à un certain nombre de questions qui nous paraissaient centrales : l'Occupant a t il infléchi de manière déterminante la politique sportive ? En regard des objectifs de la Révolution nationale, y a-t il une spécificité de la politique du sport ? Faut-il singulariser un «moment » Borotra ? Doit-on privilégier les continuités sur les ruptures d'une part avec la politique et les réalisations du Front populaire, de l'autre avec ce que devint le sport dans la France de la Libération ? Comment a réagi le Français moyen ?
Nous sommes conscients des lacunes qui tiennent pour une large part à des problèmes de sources. Le lecteur sera probablement déçu d'apprendre peu de choses sur les trois départements mosellans et alsaciens, comme sur la zone rattachée ou la zone interdite et sur les départements algériens. Cela dit, nous n'avons pas voulu nous en tenir à la seule France de Vichy : le lecteur pourra lire des pages neuves sur ce que pensaient du sport les hommes de la France libre comme ceux de la Résistance intérieure. De même n'avons-nous pas voulu clore notre étude à l'été 1944, pour prendre en compte, un aspect quasiment jamais abordé, ce qu'a été l'épuration dans les milieux sportifs.
Au total, nous estimons avoir répondu, avec minutie et méthode, à la plupart des questions qu'on est en droit de se poser. Sans doute la lecture de ce rapport n'apporte-t-elle aucun scoop et ces pages pourront surprendre celles et ceux qui imaginent la vie culturelle de la France des années quarante sous les seules couleurs contrastées du blanc et du noir. Elle est, et le sport ne fait pas exception, placée sous le signe des ambivalences : elle a été ceci et cela. Ce qui n'enlève rien à la spécificité du projet vichyssois, qui fut, lui, politique, emblématique d'un régime de plus en plus autoritaire au fil des mois, pratiquant l'antisémitisme d'Etat, sous la direction d'un personnel éminemment maréchaliste et pétainiste. Ce qui différencie, en ce domaine comme dans les autres, la France voulue par « le Maréchal », de la France libérée.
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Message  rugby13france-ne1934vilne Ven 2 Mar - 15:43

« La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation »
Rapport remis à Marie-Gorges Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports
- mars 2002 -



Conclusion du rapport (le nbre de mots par message n'étant pas illimité d'où lecture en 2 parties => la 1): Jean Pierre AZEMA

Parvenus au terme de ce rapport, nous voudrions souligner quelles nous paraissent être les réponses aux questions que nous nous étions posées dans les premières séances de la commission réunie par la ministre de la Jeunesse et des Sports. La présence de l'occupant a t’elIe infléchi de manière notable la politique sportive de «L'Etat français» ? Y a-t-il eu spécificité de la politique du sport dans ce qu'il est convenu d'appeler la «révolution nationale» mise en oeuvre, sous le regard de l'occupant, par un régime particulièrement autoritaire ? Doit-on privilégier les continuités plutôt que les ruptures : continuités par rapport au Front populaire et à la France de l'immédiate après Libération ?
Tout bien pesé, la réponse à la première de ces questions est plutôt négative tandis que les réponses aux deux dernières seraient plutôt positives. Et ces points de vue rejoignent les conclusions de travaux antérieurs sur les pratiques et la consommation culturelles dans la France de l'Occupation. Cela étant, comme les communications le démontrent chacune à leur manière, il faut souligner les profondes ambivalences des pratiques sportives et de la politique du sport d'un régime autoritaire qui pratique notamment l'antisémitisme d’Etat.

Rappelons au préalable quelques repères sur le régime de Vichy. On sait qu'entre juillet 1940 et août 1944, les Français durent supporter à la fois la sujétion de l'occupation allemande et les contraintes du régime le plus autoritaire et le plus répressif que la France ait connu au XXe siècle. Ce régime s'était instauré à la faveur du profond traumatisme provoqué par la déroute militaire, de la perte par l'ensemble de la population des repères politiques et sociaux, notamment durant l'Exode, de la déliquescence de la classe politique, du repli de ceux qui continuaient à défendre la république. Instrumentalisant à son profit la signature de la convention d'armistice et le vote parlementaire du 10 juillet, Philippe Pétain opérait les 11 et 12 juillet une révolution juridique en s'octroyant la «plénitude du pouvoir gouvernemental», les fonctions législatives, administratives, voire judiciaires, sans oublier qu'il s'attribuait le droit stupéfiant de nommer lui-même son successeur éventuel.
On définira le nouveau régime comme un régime autoritaire plutôt que totalitaire de type fasciste puisqu'il ne fait pas profession d'expansionnisme guerrier. Autoritaire, il l’est assurément puisque le pouvoir est concentré entre les mains d'un seul homme, qui demeura jusqu'au bout la clef de voûte du régime, sans véritable contre-pouvoir et notamment sans contrôle parlementaire et politique. De plus, la censure omniprésente empêchait l'expression de toute opinion non conformiste. En s'inspirant de la formalisation de Max Weber, le régime de Vichy peut être considéré comme un régime «autoritaire charismatique », qui s'appuie dans un premier temps sur la rencontre des attentes de la masse et d'une personnalité à laquelle il est prêté des vertus singulières.
La plupart des nouveaux occupants des allées du pouvoir se seraient passés de devoir gérer les relations, de plus en plus pesantes au fil des mois, avec le Reich. Ils entendaient avant tout mettre en oeuvre, coûte que coûte, le grand dessein de modeler la France, à travers une sorte de révolution culturelle, nommée «Révolution nationale ». Elle permettrait à leurs yeux d'en terminer avec «I'Ancien régime », en particulier avec le Front populaire qui couronnait, toujours selon eux, des décennies d'erreurs et de gabegie démocratique. Elle instaurerait un «état national, autoritaire, hiérarchique et social » qui façonnerait dans les jeunes générations un «homme nouveau ». Idéologiquement, elle peut se caractériser par la condamnation sans appel de l'individualisme, le refus du principe égalitaire, une pédagogie anti-intellectualisme, l'appel à un rassemblement national, l'affirmation d'un nationalisme fermé qui passait notamment par un antisémitisme d'état, débouchant sur une politique d'exclusion économique et sociale des juifs français.
Pour apprécier ce que peut avoir de singulier la politique du sport sous Vichy, deux remarques préalables doivent être prises en compte. En premier lieu, les historiens ont fait le constat que, dès l'automne 1941, la majorité des Français est devenue attentiste, se détachant du régime proprement dit, tout en demeurant, pour un certain nombre d'entre eux, attachés à la personne de Philippe Pétain. Le Français moyen avait attendu du «Maréchal » qu'il adopte un profil bas à l'égard de l'occupant et montrait beaucoup de défiance à l'égard de la collaboration d'état inaugurée à Montoire. II avait également espéré qu'il mettrait fin à la grave crise d'identité nationale qui avait secoué le pays dans l'été 1940, or la répression accrue contre «l'ennemi intérieur » alimente les risques d'une nouvelle guerre franco-française.

La deuxième remarque tient à la relative spécificité tant de la politique culturelle, prise au sens large du terme, que des attentes des Français durant l'Occupation. Si l'occupant adopte des pratiques strictes de contrôle voire de vassalisation en matière politique et militaire, il se contente d'exercer un libéralisme surveillé pour ce qui touche à la vie culturelle qui devait permettre de faire oublier aux occupés les contraintes de l'Occupation, d'anesthésier leurs réactions, tout en faisant de la France une sorte de vitrine pour tous les pays de l'Europe occupée. Quant à Vichy, il entend bien imprimer sa marque, ici comme ailleurs, sans s'interdire d'en tirer des effets de propagande. Mais, on le sait, il est moins aisé d'intervenir dans le champ culturel que dans la vie politique. Les historiens, notamment Jean-Pierre Rioux, ont en tout cas bien montré que la popularisation ou la massification des pratiques, qui caractérisent les années trente, n'ont pas été interrompues par la défaite, ni a fortiori par l'avènement d'un nouveau régime. Quant à la consommation culturelle, tous les indices démontrent qu'elle est, dans tous les domaines, en hausse, comme si la culture était devenue quasiment vitale pour les Français. Et les auteurs étudiant ce qu'a été la Vie culturelle sous Vichy ont souligné les ambivalences des attentes culturelles qui ont oscillé entre le «faute de mieux » (une culture refuge ?), le «mine de rien » (une culture prise de conscience ?) et le «gloire aux créateurs » (une culture revanche ?).

Venons en à la politique sportive mise en oeuvre dans le gouvernement de Vichy par deux titulaires nommés à la tête d'un «commissariat général à l'éducation physique et aux sports » , puis «à l'Éducation générale et aux sports » , rattaché au ministère de la Famille et de la Jeunesse, puis au secrétariat à l'Éducation nationale et à la Jeunesse. Aussi bien Jean Borotra que le colonel Jep (Joseph) Pascot disposèrent d'une grande latitude d'action. D'abord du fait de l'attitude de l'occupant. Dès que les autorités d'occupation eurent acquis la conviction que l'intérêt manifeste de Vichy pour le sport ne dissimulait pas en réalité d'objectifs spécifiquement militaires - ce qui était exact - elles ne cherchèrent pas, tout en demeurant vigilantes et parfois gênantes voire tatillonnes, à entraver, en zone occupée, la pratique sportive. Mieux peut-être que le théâtre ou le cinéma, le sport pouvait. à leurs yeux, être un anesthésiant efficace. Au besoin tout de même, il est vrai, ils imposèrent leur loi, par exemple lorsqu'ils arrêtèrent en août 1943, parce que juif, Alfred Nakache, un nageur très connu pour avoir été en 1941 recordman d'Europe du 100 mètres brasse et du monde du 200 mètres : déporté à Auschwitz avec sa femme et sa petite fille, il survécut seul à l'extermination. D'autre part pour les autorités vichyssoises en charge du sport, la suppression du contrôle parlementaire permettait de bâtir et de réglementer à sa guise. Ajoutons que le commissariat disposa de moyens financiers importants et jamais dans leur histoire l'Education physique et le sport n'avaient été à cet égard aussi soutenus qu'entre 1940 et 1944. Précisons, enfin que Borotra, particulièrement apprécié par Philippe Pétain qui en faisait volontiers son commensal à sa table, tout comme Pascot lié à René de Chambrun, gendre de Laval, étaient l'un et l'autre persona grata auprès des plus hautes instances de «l'État français ». Bref, la voie était libre pour mener une entreprise qui se voulait d'une grande ampleur.


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Le rapport: sport et éducation physique sous vichy Empty Re: Le rapport: sport et éducation physique sous vichy

Message  rugby13france-ne1934vilne Ven 2 Mar - 15:46

« La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation »
Rapport remis à Marie-Gorges Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports
- mars 2002 -



Conclusion du rapport (le nbre de mots par message n'étant pas illimité d'où lecture en 2 parties => la 2): Jean Pierre AZEMA

Qu'en fut-il ?
Il est certain que la politique menée fut volontariste de bout en bout. Soulignons au préalable qu'elle ne chercha pas à s'inspirer des systèmes rôdés en Allemagne ni même en Italie. Evidemment elle se veut en rupture avec «l'ancien régime », entendons la démocratie libérale républicaine, et se proclame partie prenante de la Révolution nationale : en opposition avec la formation intellectualiste, le redressement physique des corps doit concourir au relèvement des esprits et des âmes et préparer l'épanouissement d'une jeunesse «saine », ne répugnant pas à l'effort, à la discipline et au dépassement de soi. L'analyse qui a été faite, dans le présent rapport, des documentaires de propagande souligne combien parmi les forces présentées pour reconstruire le pays à partir de valeurs régénératrices, le héros sportif est toujours présenté comme modèle positif. L'impulsion fut donnée par le polytechnicien, homme d'affaires et gloire du tennis national, Jean Borotra, homme d'action et de conviction qui devint, - et elle demeura jusqu'à son dernier souffle - un inconditionnel du « Maréchal » ; d'avoir milité chez les Croix de Feu le prédisposait, d'ailleurs, à professer un pétainisme de bon aloi. Le même état d'esprit, en plus raide, disons en plus classiquement militaire, animait Pascot qui lui succéda en avril 1942, quand Laval revint aux Affaires. Précisons, toutefois que l'un comme l'autre, à la différence de nombre d'Excellences de Vichy, ne firent jamais profession d'antisémitisme, tout en appliquant strictement les mesures d'exclusion prévues dans les deux «Statuts des juifs ». On ajoutera néanmoins que si Borotra - et il s'en flatta volontiers après la Libération - a salué, en termes chaleureux, la mémoire d'un de ses prédécesseurs, Léo Lagrange, il s'est bien gardé de citer une seule fois Jean Zay, probablement parce qu'il passait pour juif, auquel il devait pourtant au moins autant qu'à Léo Lagrange. Précisons encore que le commissariat se garda de toute attitude collaborationniste. Borotra était germanophobe, ce qui lui valut d'être arrêté par les services de sécurité allemands en novembre 1942. Quant à Jep Pascot, qui était probablement plus porté à adopter une attitude plus souple, il s'opposa au projet de sport européen et maintint l'interdiction que soient montées des rencontres sportives franco-alIemandes, que - il est vrai - les autorités d'occupation ne désiraient pas vraiment.

On ne s'étonnera pas que, comme dans tout régime autoritaire, les réformes aient été imposées d'en haut. Il est vrai que Borotra laissa une relative autonomie au mouvement associatif, à la condition toutefois de ne pas «faire de la politique», de ne pas donc critiquer la Révolution nationale ni a fortiori le « Maréchal». Pascot, quant à lui, alIait s'efforcer d'exercer sur lui un contrôle beaucoup plus systématique en mettant en oeuvre une gestion nettement plus dirigiste. Cette étatisation du sport tournait le dos à la conception courbertienne dont on se réclamait pourtant pour pourfendre le professionnalisme. Bien plus, comme dans tout régime autoritaire également, le sport fut politiquement instrumentalisé. Rappelons notamment l'organisation de grandes messes maréchalistes, auxquelles il était vivement recommandé de participer, et dont la cérémonie du serment de l'athlète, inaugurée au printemps 1941, fut la manifestation la plus emblématique. Au-delà de ces opérations un peu particulières, relevant de la propagande pure et simple, le commissariat allait faire montre d'un grand activisme réglementaire, y compris en interdisant purement et simplement telle ou telle activité sportive, parfois sous le prétexte de lutter contre le professionnalisme, comme ce fut notamment le cas pour le rugby à XllI, un sport pourtant très populaire à l'époque.
Tout bien pesé, les deux grandes innovations - elles ne sont pas négligeables et ne seront pas remises en cause à la Libération - tiennent au fait que d'une part le sport se trouva enfin doté d'une administration digne de ce nom, d'autre part que l'éducation physique devient une discipline à part entière dans le système scolaire. Sinon, comme le lecteur l'aura remarqué à travers les diverses contributions, Vichy a avant tout emprunté nombre de projets ou de mots d'ordre au Front populaire, en leur donnant il est vrai de l'ampleur et des moyens : c'est ainsi qu'il a oeuvré, sous l'impulsion de MarieThérèse Eyquem, en faveur de la féminisation de la pratique sportive. L'intérêt porté à la Jeunesse comme la massification des pratiques sportives, parfaitement perceptibles dès 1936, contribuaient à ce que l'année 1940 ne puisse pas, en pareille matière, s'imposer dans les faits comme une coupure. C'est un constat, nous l'avons dit, qui vaut pour caractériser dans une large mesure l’ensemble de la production et de la consommation culturelle durant les années sombres. Il s'applique a fortiori au sport qui présentait cette particularité supplémentaire qu'on ne peut guère en amodier les pratiques ni en tout cas en modifier les règles.
Les historiens du sport s'accordent à souligner que le nombre des pratiquants a augmenté de façon notable et régulière d'une année sur l'autre entre 1940 et 1944, malgré les contraintes matérielles diverses et la fonte des muscles liée à la malnutrition. Il est évidemment impossible de sonder les cœurs et les mollets de ces sportifs petits et grands. Il n'est pas à exclure que certains aient été sensibles aux mots d'ordre du régime, mais il est probable qu'ils étaient minoritaires si on se souvient que le Français moyen était devenu attentiste dès l'automne 1941 ; il est plus vraisemblable que le sport ait pu être vécu surtout comme un antidote commode aux traumatismes subis, aux désarrois vécus, une manière d'évasion face à la dureté des temps, bref, pour reprendre une formulation de Jean-Pierre Rioux, dans l'ouvrage cité supra, un moyen «d'auto conservation sociale».

A la Libération, on entend construire une « république du sport» qui ne soit pas celle de la IIIe République et surtout pas celle de l'État de fait qui s'était imposé en 1940. L'affairisme et les mœurs douteuses de l'avant-guerre sont condamnés, en même temps qu'est dénoncé l'autoritarisme. Le sport est bien une mission de service public, mais l'ordonnance de 1945, qui régIe les rapports entre la puissance publique et le mouvement sportif, veut concilier contrôle de l'État et liberté associative. Et si les discours tenus sur le sport autour de la morale et du redressement des corps ont un air de déjà entendu, ils insistent sur la nécessité qu'elle doit être une discipline librement consentie. Cette volonté de promouvoir une véritable politique sportive dans une France non seulement libérée mais rénovée de fond en comble contraste singulièrement avec l'absence quasi totale - et c'est une surprise - de réactions à la politique de Vichy tant de la part des hommes de la France libre, du moins si on se réfère à l'émission «Honneur et Patrie», que de la presse des Mouvements de Résistance, à l'exception notable de celle influencée par le PCF clandestin. Comme si le sport importait peu aux uns et aux autres ou était à tout le moins subsidiaire. Une attitude qui s'explique probablement plus par l'indifférence que par des nécessités tactiques.
Cette relative indifférence explique en partie que ceux qui fréquentaient les allées du pouvoir qui n'avaient pas été en reste dans l'expression bruyante de leur dévotion au « Maréchal» et dans leur approbation non moins explicite aux vertus de la révolution nationale et à la nécessité de la politique de Montoire, aient pu aussi aisément passer à travers les mailles de l'épuration. C'est probablement un des secteurs de l'administration française qui a été le moins épuré, comme si la classe politique et l'opinion admettaient que les dirigeants du mouvement sportif étaient de purs techniciens et donc apolitiques. Ce qu'il advint à Jean Borotra symbolise à lui seul cette amnésie collective. Non seulement il ne fut inquiété d'aucune manière quand il revint du château d'Itter où il avait été interné par les Allemands, mais il put obtenir dans les années soixante la carte de déporté résistant tout en étant officiellement consulté par Maurice Herzog, haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports en 1958. Rapprochons son cas de ceux des dirigeants de L'Auto, un journal, très lu, sans doute avant tout sportif, mais dont certaines prises de position politiques n'étaient même pas ambiguës quand elles faisaient ouvertement profession d'anglophobie, ou même s'en prenaient aux terroristes». Les poursuites engagées n'entamèrent qu'à peine leur influence qui était déjà grande avant-guerre.
FIN


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Message  rugby13france-ne1934vilne Ven 2 Mar - 15:50

« La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation »
Rapport remis à Marie-Gorges Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports
- mars 2002 -



Aprés la présentation, ci-dessus, de l'introduction et de la conclusion de ce rapport de 187 pages,
les pages dudit rapport
« La politique du sport et de l’éducation physique en France pendant l’occupation »
consacrées à et publiées pour notre sport sont les suivantes:

Le rapport: sport et éducation physique sous vichy 128fs3950255
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